«Le code Auerbach»: un aperçu de l’ouvrage dirigé par Camille Bernier

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L’arrogance d’un auteur se cache parfois dans les recoins les moins sombres de son œuvre. C’est en lisant cette phrase du théoricien Erich Auerbach, apparemment simple, mais révélatrice, que s’est confirmé le système d’usurpation de sens mis en œuvre par les spécialistes de la littérature: «Tout se passe comme si un texte apparemment simple ne révélait son contenu que par son commentaire […]» (Auerbach, 1968: 536). 

«Comme si», dit-il. Cette expression m’a tourmentée pendant des semaines. «Comme si ». Comme si les commentaires, en révélant le contenu d’un texte, s’inscrivaient par-dessus autre chose. Les commentaires éclairent le texte original d’une nouvelle lumière. Et si le texte «apparemment simple» s’enrichit de ce processus, se pourrait-il que les commentaires effacent certaines parties du texte d’origine? Métaphoriquement, on peut sans aucun doute dire que oui. Ainsi, si l’on accepte cette proposition, force est d’admettre que l’humilité que plaide Auerbach dans la «Postface» de Mimésis est en fait une opération de répression littéraire. Je suis forcée d’appeler le théoricien pour ce qu’il est: un gangster de l’ordre d’un Pape qui voudrait faire croire qu’il est Dieu. 

Si Auerbach établit une filiation théorique entre les œuvres qui parsèment Mimésis, peut-être est-ce pour détourner l’attention de la dimension criminelle de cette filiation, qui doit demeurer invisible pour continuer à s’appeler «théorie littéraire». Le Code Auerbach regroupe les textes de mon équipe et moi, qui avons découvert que les marges aujourd’hui vides des copies originales de À la recherche du temps perdu et de To the Lighthouse, par exemple, contenaient autrefois tous les éléments qui ont fourni à Auerbach la matière de sa réflexion. 

Je ne suis pas en mesure de fournir les manuscrits originaux que nous avons étudiés, étant donné leur fragilité, mais les preuves que je peux montrer sont tout aussi intéressantes: des preuves matérielles de ce qui a mené à une disparition orchestrée des sources par le «grand» théoricien allemand, et à partir desquelles nous avons amorcé une vaste recherche dans le corpus littéraire occidental, nous exposant des filiations millénaires, des vols et des prophéties effacées, des cartels de silence à échelle internationale. 

Si cette trame vous dit quelque chose, le titre de l’ouvrage que je présente aujourd’hui en exclusivité est effectivement une référence au Code Da Vinci, livre éminemment populaire écrit par Dan Brown. Toutefois, qu’on ne s’inquiète pas, mon équipe et moi ne nous sommes pas mis en danger mortel en le publiant, et ne sommes pas poursuivis à travers le monde –ou pas encore. Ce que nous avons découvert grâce aux dernières technologies de l’archive est tout simplement incroyable, et nous allons prendre le risque de vous le dévoiler.

Le théoricien allemand, lors de l’écriture de son œuvre phare Mimésis: La représentation de la réalité dans la littérature occidentale, aurait eu accès aux originaux de plusieurs des œuvres dont il a fait l’analyse. C’est surtout dans les manuscrits de To the Lighthouse de Virginia Woolf et dans ceux de Marcel Proust pour À la recherche du temps perdu que le plus de mal a été fait. C’est en effaçant des notes prises dans les marges de chapitres entiers qu’Auerbach a pu produire des analyses aussi précises et inédites. Précises, finalement, parce qu’elles étaient en fait celles de l’autrice et de l’auteur, qui, malheureusement pour l’héritage des intellectuel-le-s en question, gravèrent leurs fabuleuses réflexions marginales au crayon de plomb. 

Avec les dernières technologies de l’archive, nous avons réussi à inculper Auerbach pour plagiat et pour vol. Comme je l’ai spécifié plus tôt, il n’est pas possible pour nous de vous montrer les documents défigurés sur lesquels nous avons travaillé. Cependant, nous pouvons montrer des images de certains commentaires incriminants qu’il a innocemment laissés (avec arrogance) dans les marges des livres qu’il a consultés. Les manuscrits dépouillés se sont retrouvés à l’Université de Montréal, dans les livres accessibles à la Bibliothèque des lettres et sciences humaines.

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Figure 1: Le code Auerbach

Commençons par To the Lighthouse. La copie sur laquelle nous avons tenté de mettre la main est datée de 1927, soit la première édition publiée. Comme vous pouvez le voir sur l’image, l’exemplaire en question est «À la réparation», et donc pas en rayon, depuis sept ans, soit depuis que nous avons entrepris nos recherches sur Auerbach. Comme certaines personnes le savent, le théoricien est enseigné avec une adoration catégorique par les professeur-e-s de littérature comparée. Nous avons toutes les raisons de croire qu’un cartel du silence s’est instauré au Canada et ailleurs dans le monde pour protéger l’intégrité intellectuelle d’Auerbach.

Passons maintenant à l’exemple plus convaincant de l’œuvre phare (sans mauvais jeu de mots avec le livre de Woolf) de Proust, À la recherche du temps perdu. Les défigurations proviennent d’un exemplaire que nous avons retracé à Istanbul, du temps où Auerbach y habitait et travaillait sur Mimésis. Je vais laisser les images parler d’elles-mêmes… et les commenter quand même.

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Figure 2: Le code Auerbach

Nous avons toutes les raisons de croire que les passages soulignés sont un témoignage de la personnalité mesquine du «grand» Erich Auerbach, maintenant dévoilée malgré lui. Tout porte à croire qu’il aurait ardemment voulu être capable d’écrire de la fiction, et qu’il était lui aussi porté vers les «petites méchancetés», en rien anodines, si vous voulez mon avis.

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Figure 3: Le code Auerbach

Malgré la gravité des éléments discutés jusqu’ici, je vais devoir étendre la portée des découvertes qui sont compilées dans Le code Auerbach. De la Bible à Leonard Cohen (oui, certaines de ses plus belles paroles figuraient déjà dans le plus vieux Testament), de Ernst Theodor Wilhem Hoffmann à Sigmund Freud, de Samuel de Champlain à Richard Desjardins, la technique de la «gomme à effacer» en est une dont nous devons en souligner l’arrogante simplicité. Son efficacité est apparemment ce qui la rend si dangereuse. Pour vous interpeller peut-être davantage, je vais exposer comment mon équipe et moi, grâce aux mêmes dernières technologies de l’archive avec lesquelles nous avons démonté Auerbach, avons démontré que Richard Desjardins s’est «inspiré» de Champlain pour l’écriture de l’un de ses plus grands hits.

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Figures 4 et 5: Le code Auerbach

Si on apprécie l’homme autant que moi, sachez que je comprends l’effet que cette commotion peut causer. 

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Figure 6: Le code Auerbach

Le code Auerbach

Nous aimerions tout simplement, et ultimement, avec cet ouvrage que j’ai dirigé, faire état de l’absence quasi totale d’originalité que nous avons mise au jour dans les œuvres des plus grands artistes occidentaux des derniers siècles. Dans la sphère théorique, même si nous avons enfin rendu à Proust et à Woolf les interprétations que M. Erich Auerbach avait volées dans les marges de leurs notes personnelles, nous sommes convaincu.e.s que le domaine de la théorie littéraire est encore peuplé d’usurpateurs et d’usurpatrices qui, ayant accès grâce à leur université d’attache à des documents d’une valeur inestimable, suppriment, à l'aide de simples gommes à effacer, des millénaires d’Histoire afin de publier des articles qui leur vaudront une subvention ou une chaire de recherche. 

J'espère m’adresser à des artisanes et des artisans du savoir dont je ne douterai jamais de l’honnêteté intellectuelle.

Pour citer

Bernier, Camille. 2018. «Le code Auerbach»: Un aperçu de l’ouvrage dirigé par Camille Bernier. Titres manquants. Cahier virtuel. Numéro 4. En ligne sur le site Quartier Fhttp://quartierf.org/fr/article-dun-cahier/le-code-auerbach-un-apercu-d…

Référence bibliographique

Auerbach, Erich. 1968. Mimesis: La représentation de la réalité dans la littérature occidentale. Paris. Gallimard. p.536.

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