Voici sept de nos valeurs et priorités1 : la toile de la vie,
l’humilité, le sacré, l’anti-extractivisme,les relations,
la célébration, la réconciliation avec la nature.
Faiths at COP15
Le tirage en forme de fer à cheval est une lecture du tarot qui requiert sept cartes. Chacune des cartes est pigée par le demandeur, puis disposée en « V » sur la table. Cette trajectoire esquisse le portrait d’une situation vécue. Le tirage s’interprète comme suit : la 1re carte représente le passé de la situation ; la 2e, son présent ; la 3e, sa face cachée ; la 4e, ce qu’il y a à dépasser ; la 5e, le concours d’autrui ; la 6e, la marche à suivre et la 7e, ce qui est susceptible d’en découler.
Passé — XII
L’Ombre a été vidée de ses mystères. L’œil s’accommode à la noirceur, il distingue ce qui subsiste dans l’absence du minerai. Le corps d’une chauve-souris habite en stalactite, il sommeille minéral. D’autres silhouettes pendent de la voûte — mais l’œil se détourne aussitôt qu’il croit y discerner des tombes.
Présent — 0
La Pie pille. Elle est courbée par les objets accumulés, ils ne lui servent qu’à très peu de choses. Elle suit la vase d’un ruisseau presque asséché. Son lit s’embourbe dans la spirale du soleil. La Pie tire un pan de son manteau et révèle ses pattes durcies par le sang caillé. La Pie cherche d’autres lieux, elle traverse les cartes.
Ce qui vit dans les coulisses — XVIII
La Peur s’impose à la Pie en vagues terreuses ; elle ramène des tranchées une créature sans visage, se gonfle de bêtes à sabots et d’oiseaux noyés — elle est le prélude du retour des eaux. Le poids des algues fait céder les muscles des territoires et ouvre de proies la bouche des orques. La Peur menace d’apprendre à la Pie comment nager. La Pie se replie pour ne pas être submergée.
Soi ou l’obstacle — XV
La Dépouille siège au fond des yeux. Sa main plonge dans une plaie sur son ventre. Ses doigts n’y trouvent rien et retournent une poche vide. L’estomac a tout mangé ce qu’il avait dans le corps. La Dépouille tend sa voix vers la Pie, elle lui demande s’il y a encore des choses qui vivent tout près. Elle lui demande s’il vaut mieux attendre avant d’avaler sa langue.
Une relation — IX
La Visite collectionne les vues de lampadaires, mais ne cherche pas à les retenir lorsqu’elles quittent sa mémoire. La Visite est un papillon de nuit quand elle rencontre la Pie. Elle l’avertit qu’il faudra bien se cacher. Il s’agira de trouver la manière.
Une voie tracée — XIII
La Moisson est en cours. Elle est une chaumière dans laquelle la pâte chauffe au bois. Les vautours sillonnent les champs. Les corps gisent là, recouverts d’une couche de terre. Champignons et bactéries les parcourent, ils contournent les bijoux et se glissent sous les mues, ils lavent les territoires jusqu’aux os. Qui tient la pelle, qui sort les pains ? Les os se moulent en farine. Ils apaisent la faim de ce qui subsiste. La Pie est témoin, dissimulée sous la peau d’ours de la chaumière.
Ce qui en découle — XIV
La Peau d’ours s’est levée avec la Pie. Leur marche se prolonge telle une greffe. Dans la forêt, cette fourrure les délivre du regard des fauves. Les arbres se font de plus en plus rares et la Peau préserve la Pie du déferlement des chablis. La Pie cherche un refuge où passer la nuit. Au plus creux des kilomètres se tient une machine aux rouages enrayés et peut-être une ville qui n’est plus. Lorsque la Pie se réveille dans les ruines, elle ne trouve plus aucun de ses objets. Elle voit un ours s’éloigner, le ventre plein.
- 1. Pigées du paquet de cartes distribué par le «Faith & Biodiversity UN Coordination Group».
Côté-Perras, Alexandre. 2023. Un jeu. Réécrire la COP15. Cahier virtuel. Numéro 8. En ligne sur le site de Quartier F. https://quartierf.org/fr/article-dun-cahier/un-jeu